mardi 3 juin 2008

Les langues régionales .. en France

Marianne2.fr
Le gouvernement cède aux lobbies des langues régionales
En dépit de ses promesses, Nicolas Sarkozy a flanché devant les lobbies régionalistes de l'Union européenne. L'amendement voté jeudi pour modifier la Constitution pourrait être le premier pas vers une France encore plus inégalitaire.


Les parlementaires bretons en auraient presque dansé la gavotte ! Jeudi après-midi, en plein débat sur la modernisation des institutions, les députés ont voté à la quasi unanimité un amendement à l'article premier de la Constitution. Objet du texte : graver dans le marbre que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la Nation ». Anecdotique ? Pas vraiment. Pour les régionalistes fervents, comme le Costarmoricain Marc Le Fur (UMP) ou la députée de Lorient Françoise Olivier-Coupeau, c'est une victoire de taille. Cette dernière, qui préside le groupe d'étude sur les langues régionales à l'Assemblée, ne cachait pas l'enjeu du vote : « C'est un premier pas, qui autorisera juridiquement la ratification par la France de la Charte européenne des langues régionales. » Une Charte à la tonalité très politique… Vive les Ch'tis ! « Ca a l'air glamour comme ça, décrypte Yvonne Bollmann, auteur de La Bataille des langues en Europe (Bartillat) On pense aux Cht'is, au charme de nos terroirs. En réalité, ces textes cachent une politique beaucoup plus sombre qui met en danger l'égalité des droits né de la révolution française. » La chercheuse s'inquiète d'un « retour à la féodalité » à travers l'émergence de minorités régionales qui, traitant directement avec Bruxelles, chercheraient à s'emparer des prérogatives étatiques. Des lobbies très actifs au Conseil de l'Europe, comme l'Union fédéraliste des communautés ethniques européennes (UFCE), architecte, entre autres, de la fameuse charte européenne des langues régionales, militent en effet pour un régionalisme politique qui donnerait plus de poids aux « ethnies ». « Par ethnie, il faut comprendre des minorités qui disposent d'une langue et d'un territoire, comme les Flamands, les Occitans, les Corses, les Bretons ou les Alsaciens », explique Yvonne Bollman. « A terme, on va assister à un repli autour de régions puissantes, qui imposeront des spécificités fiscales et juridiques, prédit même Pierre Hillard, professeur de Relations internationales à l' l'Ecole supérieure du commerce extérieur et auteur de La Décomposition des nations européennes (François-Xavier de Guibert éd.). Au pays de l'hyper-centralisme démocratique, on peine à partager ses craintes... Comment imaginer, chez nous, des inégalités de droit entre les Français selon la région d'où ils seraient originaires ? « C'est pourtant ce qu'avait proposé Edouard Balladur lorsqu'il envisageait de régionaliser le Smic, rappelle Pierre Hillard. On voit bien le risque : selon que vous viendriez d'une région riche, comme l'Ile-de-France, ou d'une région moins aisée, comme l'Auvergne, vous n'auriez pas le même Smic… L'enjeu est également financier : grâce au régionalisme, les régions transfrontalières comme l'Alsace par exemple s'arrogent déjà déjà la gestion des fonds structurels, qui s'élèvent quand même à plus de 300 milliards d'euros pour la période 2007-2013. » Mais l'Alsace est une exception, et ce vote-là ne concerne, pour l'instant, que les langues. Problème, les spécialistes posent d'embarrassantes questions : « Si ce n'était qu'une question de respect des langues et des minorités, pourquoi reconnaître les seules langues régionales et pas le chinois ou l'arabe, qui sont couramment parlées en France ? », interroge Pierre Hillard. Oups. C'est vrai, ça, pourquoi ? Sarkozy se contredit... une fois de plus La polémique s'ouvre ainsi discrètement. Jusqu'ici, le débat n'avait pas lieu en France, puisque le candidat Nicolas Sarkozy a toujours assuré qu'il ne ratifierait pas la charte des langues régionales… Sa promesse avait d'ailleurs été relayée le mois denier (!) par la ministre de la Culture en personne, Christine Albanel. Mais à l'approche de la présidence française de l'Union européenne, il semble que la force des lobbies allemands se fasse sentir pesamment sur la politique française. Et la Sarkozie n'est pas une promesse non tenue près… Reste à savoir si le Conseil constitutionnel jugera l'amendement recevable. Réponse en juillet.

Vendredi 23 Mai 2008 - 19:28
Anna Borrel
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